“C’est la Mort qui console, hélas! et qui fait vivre "

 

“C’est la Mort qui console, hélas! et qui fait vivre ;

C’est le but de la vie, et c’est le seul espoir

Qui, comme un élixir, nous monte et nous enivre,

Et nous donne le coeur de marcher jusqu'au soir”

Baudelaire, “La mort des pauvres”

 

Je viens d’apprendre le décès de ma grand-mère. J’étais sur le parking du Lidl en train de faire un tiktok avec ma soeur. Ma mère nous a prises dans ses bras. C’était étrange. Le trajet retour s’est fait en silence. Je m’en voulais de ne pas me sentir triste. Je tentais de me persuader que c’était parce que j’acceptais la mort, que de toute façon tout le monde s’y attendait et qu’il vaut parfois mieux mourir que souffrir, mais au fond de moi je sais. Je sais que si la tristesse m’épargne c’est sans doute car je n’ai jamais nourri d’affect particulier à l’égard de ma grand-mère. Alors j’accepte son départ, naturellement. A présent je me sens mal à l’aise. Je suis de retour depuis trois heures seulement, et mon séjour est déjà condamné. Funeste et morbide. Je pensais qu’elle souhaitait nous voir une dernière fois avant de s’en aller, parfois les gens restent quelques jours de plus. Je n’ose plus naviguer dans mon appartement. Ma première pensée a été : “je vais pouvoir écrire à ce sujet”. Cela fait-il de moi une mauvaise personne ? Il paraît qu’elle répétait toute la semaine qu’elle attendait. J’ai de la peine pour ma mère. Quand elle a appris la nouvelle elle s’est ressaisie en dix secondes tout au plus. Elle commençait à lister toutes les démarches par lesquelles elle allait devoir passer, qui appeler, quand se rendre à l’hôpital. Pour certains c’est un moyen de mettre de côté la douleur, dans son cas le choix lui fait défaut. Pas le temps de ressentir car la vie n’attend pas. Les gens n’attendent pas. J’ai envie d’une cigarette. Je suis presque sûre que ma mère me laisserait fumer. Circonstances exceptionnelles. Peut-être me demandera-t-elle de lui en rouler une aussi. J’ai également envie d’un café. C’est curieux mais je crois que ma soeur est plus affectée que moi. Son vide émotionnel n’est pas aussi abyssal qu’elle l’imagine. Je suis envieuse de ceux qui partent. La peine que j'éprouve est tournée vers les vivants. Nous sommes les malchanceux qui, en plus de souffrir du départ des autres, souffrons de la vie dans son entièreté. Une mort est une joie. La mort est la porte de sortie des vainqueurs. La mort est l'ultime délivrance qui nous arrache de cet enfer terrestre. La mort est une tabula rasa, blanche et pure. La mort, ou bien la jouvence personnifiée. La mort est une vie, ailleurs. Le principal, c’est que la mort soit. Car tant qu’elle est, ce qu’elle emporte avec elle demeure (pour l’éternité).

 

Note de ma part : Lorsque le blog a eu un an cette année, ma première idée était de mettre à l’honneur celle qui a toujours lu mes pensées. Il s’agit évidemment de Clara. Un jour (ce jour arrive bientôt), je lui consacrerai un post entier, un livre entier, car c’est la personne la plus importante dans ma vie. Je voulais qu'elle écrive pour le blog car c'est un endroit que j'ai l'impression de partager avec elle, comme si on cohabitait ensemble. Parfois, je crois que nos cerveaux cohabitent ! Outre cela, avec ce post, je souhaite mettre à l'honneur la plume et le talent d'une sœur qui ne partage que très peu son écriture, pourtant si jolie ! Je remercie Clara d'avoir accepté d'écrire sur ce sujet si fascinant : « la mort ». Vive la mort et repose en paix la grand-mère de Clara.!

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